Artiste associé
Yves Chaudouët
Battre la Campagne
de septembre 2014 à août 2015
Chaque année, La Criée associe un(e) artiste à ses projets. Cette collaboration, en mettant l’art encore plus au centre, instaure une nouvelle façon de travailler dans la durée avec les artistes, au plus près du processus créatif.
Artiste jardinier, Yves Chaudouët est capable de donner à un même sujet des formes multiples et de faire subir à un même objet de nombreuses transformations. Dans un mouvement réflexif, il fait du processus de création la matière tangible de ses œuvres, que celles-ci soient littéraires, picturales ou spectaculaires.
La campagne que bat Yves Chaudouët est multiple : elle est sauvage, faite de roches animales et d’herbes hautes ; elle est parcourue par des chercheurs d’or, des glaneurs et des fous ; elle est domestiquée, bâtie et cultivée ; elle grouille de vies, d’ennui parfois aussi ; elle a des ciels immenses et des terres insoupçonnées.
Pour la saison Battre la Campagne, Yves Chaudouët propose une exposition qui déborde les murs de La Criée pour aller s’allonger dans la campagne rennaise, invite à sa table sa compagnie de théâtre et d’autres fertiliseurs, initie des journées d’études, et plus largement, nourrit la programmation de ses intérêts, idées et recherches.
« Mes premiers tableaux étaient soit des portraits, soit des paysages nocturnes peints sur de très grands formats, à partir d’images de textes ou de films. Tout en ne sortant guère des murs de l’atelier, j’y creusais en quelque sorte des fenêtres donnant sur un horizon sombre et venteux, où une ultime lueur perçait les nuages et éclairait un arbre, quelques bosquets tout au plus. Au cours de ce travail, un jour, vers 1995, je sortis. Je voulais aller voir dans le paysage réel ce qui fondait mes vastes fantaisies romantiques. Muni d’un appareil photographique aux optiques aussi graves que mes intentions de l’époque, je me suis accroupi à toucher les lichens, les pousses de pivoines, les champignons, les fougères, les sources, mais aussi toutes sortes de curiosités quotidiennes qui poussent entre les pavés des villes et en grand nombre dans les terres sauvages du Cantal où je m’établissais. Guidé alors par certains voisins paysans qui, en sages grammairiens, m’enseignèrent deux ou trois choses essentielles à la lecture des forêts, des vallées, des cours d’eau, des collines, je pénétrai leur intimité, troquant couleurs et objectifs pour des outils plus botaniques.
Je ne revins pas de cette « expérience » du paysage. Je délaissai les formats immersifs devenus superfétatoires et tout outil qui ne fût pas portatif. Ce fut le début d’un voyage de plus en plus léger au cours duquel je croisais Sophie Kaplan. Je pense qu’elle m’a aperçu au loin sur un sentier. Je vais donc tenter pour toute une saison de La Criée de lier ce que j’ai glané au cœur de ces paysages, d’abord en les peignant, puis en y étant.
Peut-on pour autant nommer cela « campagne » ? Première question peut-être parmi les nombreuses que nous nous poserons, puisque ce qui se dégage essentiellement de l’expression « Battre la campagne », reprise malicieusement par Queneau, est qu’elle est interprétable. Retenons donc pourquoi pas sa capacité toute poétique, exemplaire, à nous interroger, à ne pas laisser la lave se figer. »
Yves Chaudouët